Découvrez les Jeux Olympiques 2024 à Paris : Histoire, Polémiques et Transformations Urbaines dans la Nouvelle Chronique Engagée de Bettina Flores
La fascination des nazis
Dans moins d’un an, le 26 juillet 2024, la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques devrait avoir lieu avec le relais de la flamme de la ville d’Olympie jusqu’à Paris en passant dans tous les arrondissements, après avoir traversé soixante-cinq villes au coût de 180 000 € pour les départements concernés, nous dit l’architecte et professeur des universités en esthétique Marc Perelman dans « Le kitsch olympique » (blog Mediapart, 26 juillet 2023).
Il nous rappelle que « Ce relais fut en effet inventé ou plutôt réinventé par Carl Diem, le secrétaire général du Comité organisateur des Jeux Olympiques allemands (…). Carl Diem a imposé une tradition grecque qui n’existait pas vraiment en la transformant, c’est-à-dire en l’adaptant à l’idéologie nazie à partir des courses aux flambeaux de l’Antiquité grecque appelées Les Lampadédromies ».
On connaît la fascination des nazis pour les grands rassemblements aux flambeaux notamment à Nuremberg, le goût d’Hitler pour l’architecture antique. C’est Joseph Goebbels, le ministre nazi de la propagande qui avait mis en scène cette chorégraphie « désuète et archaïque » avec des jeunes filles déguisées en vestales et des jeunes hommes en archers pour les JO de Berlin en 1936 que le CIO (Comité International Olympique) a adopté depuis et mis en œuvre dans chaque ville hôte.
La Russie n’a pas sa place
« Ces mises en scène parodiques, comiques voire loufoques furent (…) de pures créations nazies », dans une exaltation des corps nus d’athlètes, au « corps parfait », à la « peau immaculée » (Perelman, 2023) et j’ajouterais, une homo-érotisation des corps de surhommes que la cinéaste attitrée d’Hitler, Leni Riefenstahl, a transfiguré dans Les Dieux du stade (1936).
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Le feu purificateur de la flamme olympique est censé symboliser « la transmission, la paix et l’amitié entre les peuples » ou encore « une société pacifique », « le fair play », « la trêve », « une grande fête de la jeunesse sportive », « la compréhension mutuelle », « le respect », toutes valeurs prônées par l’Olympisme. On croit rêver quand on connaît la violence dans les stades entre supporters adverses qui peut aller jusqu’à la mort, même de l’arbitre !
« Trêve », « société pacifique » ? Déjà, Emmanuel Macron a annoncé : « Il ne peut pas y avoir le drapeau russe aux Jeux » et « La Russie n’a pas sa place à un moment où elle a commis des crimes de guerre ». Pour information, le règlement du CIO stipule que les Jeux sont a-politiques, ce qu’ils n’ont jamais été évidemment. Les sportifs de Russie vont-ils être interdits de compétitions comme les chats de leur pays de concours félins suite au conflit ukrainien ?
Une esthétique de pacotille et du laid
La cérémonie d’ouverture se déroulera sur la Seine, les athlètes embarqués sur des barges arborant les couleurs de leur pays avec six cent mille personnes agrégées devant les tribunes et sur les quais, visionnée par un milliard de téléspectateurs.
La navigation s’effectuera devant les chefs d’œuvre architecturaux de la ville Lumière dans « une esthétique de pacotille et du laid ». Ainsi la cathédrale Notre-Dame, les monuments emblématiques de Paris seront « pris en otage » par le CIO portant « la confusion entre l’art et le sport à son comble » (Perelman, 2023).
Le patrimoine de la ville se transformera en un immense parc d’attraction, un Luna Park sur une Seine polluée, revisité pour les besoins d’une « olympisation du monde » que Pierre de Coubertin n’aurait pas reniée : « La grandiose réussite des Jeux de Berlin a magnifiquement servi à l’idéal olympique » (in Le Journal, 27 août 1936). Ou encore « Les Jeux de Berlin en 1936 ont été, très exactement, ce que j’ai souhaité qu’ils fussent » (in L’Auto, 4 septembre 1936).
Et « Que le peuple allemand et son chef soient remerciés par ce qu’ils viennent d’accomplir » (« Discours du Baron de Coubertin pour la clôture des JO de Berlin », in L’Idée olympique, 1967) ; aussi, dans la mouvance idéologique de l’époque « Ô sport ! Tu es la Fécondité ! Tu tends par des voies directes et nobles au perfectionnement de la race en détruisant les germes morbides et en redressant les tares qui la menacent dans sa pureté nécessaire. Et tu inspires à l’athlète le désir de voir grandir autour de lui des fils alertes et robustes pour lui succéder dans l’arène et remporter à leur tour de joyeux lauriers » (« Ode au sport » [1912], in Ibid.).
Je ne peux pas m’empêcher de citer son opposition à la participation des femmes aux Jeux :
« Une petite Olympiade femelle à côté de la grande mâle. Où serait l’intérêt ? (…) incorrecte, telle serait à notre avis cette demi-olympiade féminine. Ce n’est pas là notre conception des JO (qui est) l’exaltation solennelle et périodique de l’athlétisme mâle avec l’internationalisme pour base, la loyauté pour moyen, l’art pour cadre et l’applaudissement féminin pour récompense » (in Revue Olympique n° 79, juillet 1912) ; toutes citations de Marc Perelman dans 2024 Les Jeux olympiques n’ont pas eu lieu, le chapitre « Pour en finir avec Pierre de Coubertin », 2021.
Ce type a combien de stades et de clubs à son nom dans le pays ? Exactement quarante-cinq stades, salles de sport et complexes sportifs, également plus de trois cents places, rues, boulevards et avenues, un pont à Toulouse inauguré en 1969 et vingt-sept établissements scolaires ont été baptisés à son nom (Pierre de Coubertin, Wikipédia, consulté le 13 septembre 2023).
Les bouquinistes le long des quais de Seine (depuis le XVIe siècle), sont priés de plier boutique pour toute la durée des Jeux et qui sait, au-delà ? Il semblerait que culture et sport ne fassent pas bon ménage… On imagine que des baraques à frites et saucisses pour contenter le « petit peuple » seront installées à leur place, agrémentées le soir de sons et lumières projetés sur les monuments.
Jeux qui bouleversent le quotidien des Parisiens
Des locataires et propriétaires en Seine-Saint-Denis, le département le plus pauvre de France devenu un immense laboratoire olympique, ont été délogés et expropriés d’office pour construire des installations sportives (pérennes ? 52 % des jeunes de moins de douze ans de Seine-Saint-Denis ne savent pas nager) et expédiés à l’autre bout du département, si ce n’est pas au-delà. Pour construire le village olympique, quinze mille athlètes seront logés dans une zone de cinquante-et-un hectares préalablement rasée. « Sont ici concrètement visées (dans ce bassin d’emplois) vingt-cinq entreprises (BTP, archives, traiteurs…) et une école d’ostéopathes, soit environ 1 600 salariés ; en outre un foyer de migrants rayé de la carte, le lycée professionnel Marcel-Cachin déplacé ; le réfectoire et l’internat de l’école d’ingénieurs en mécanique Supméca devant être rasés », indique Marc Perelman (2021).
La spéculation immobilière amène inévitablement à une gentrification de ces quartiers au détriment des foyers pauvres. Des travaux dignes du Baron Haussmann au XIXe siècle (rétrécissement des places, des boulevards et avenues, installation de pistes cyclables, interdiction de circulation sur certaines voies, piétonisation progressive du centre, création de nouvelles lignes de métro et de nouvelles gares en périphérie, bétonisation et réduction des espaces verts) dans sept mille quatre cents points en cours de réalisation au même moment, sont dus aux Jeux qui bouleversent le quotidien des Parisiens et des habitants de la périphérie du futur Grand Paris.
Gageons qu’un QR Code avec un test Covid sera demandé
« Nous rebâtirons la cathédrale plus belle encore et je veux que ce soit achevé d’ici cinq années », a promis Emmanuel Macron le 16 avril 2019, le lendemain de l’incendie de la charpente et la flèche.
Notre-Dame est devenue « Notre-Dame de Paris-2024 », « Notre-Dame des Jeux » : sa reconstruction à temps pour 2024 est « un message fort sur la manière dont les JO sont toujours synonymes de rassemblement et visent à mettre le sport au service de l’humanité », a déclaré le président du CIO qui a fait un don de cinq cent mille euros pour sa restauration, mais rien pour le Covid responsable du report des JO de Tokyo en 2021 estimé à cinq milliards d’euros (Perelman, 2021).
On se rappelle que la version officielle de l’incendie est un mégot mal écrasé qui a enflammé les poutres épaisses en chêne de la charpente qui date du début du XIIIe siècle !?
Anne Hidalgo, la maire de Paris, s’était d’abord opposée aux Jeux. Le 6 novembre 2014 dans Le Figaro, elle avait dit : « Les Jeux, ça coûte cher, la candidature coûte cher. Et les Jeux dispendieux, ce n’est plus d’actualité ».
Fuir la ville
Marc Perelman (2021) explique : « La dette de la ville de Paris s’élevait à 5,9 milliards fin 2019, soit environ 3 000 euros par Parisien. (…) Les JO vont accélérer l’endettement de Paris avec un nouveau record en 2020, à plus de six milliards d’euros… Et en 2024 ? ».
Les Parisiens ont déjà eu un avant-goût avec l’augmentation de la taxe foncière de 52 % cette année pour éponger la dette Covid et financer les Jeux. Les dépenses de sécurité en ces temps de manifestations populaires vont faire exploser le budget, sans aucune garantie de résultats (cf. la coupe du monde de rugby), si ce n’est de contrôler toujours plus les citoyens à coups de caméras de surveillance, de reconnaissance faciale, de drones, de fouilles rapprochées.
Gageons qu’un QR Code avec un test Covid sera demandé en plus du coût de la place pour entrer dans les lieux de compétitions ! On est rassuré, les transports franciliens seront gratuits, mais uniquement pour les détenteurs de billets olympiques…
Je ne vois qu’une seule issue pour les Parisiens pendant les Jeux : fuir la ville et La Société du spectacle (sportif permanent) décrite par Guy Debord, avec son tourisme de masse et comme l’ont fait les Londoniens aux Jeux de 2012.
Îles des femmes
Je parie que le vilain énième variant Éris du nom de la Déesse antique de La Discorde, fille de Nyx (la Nuit) aura disparu d’ici là pour ne pas perturber les Jeux, à moins que sa nombreuse et pas très sympathique descendance née par parthénogenèse, la Peine, l’Oubli, la Faim, les Meurtres et les Combats, l’Anomie et le Désastre, les Douleurs, les Mêlées, les Tueries, les Querelles, les Disputes, les Mensonges et le Serment (non tenu), ne s’invite à l’improviste…
Suite à l’importante baisse de la fécondité ces temps derniers, à l’heure de la PMA (Procréation Médicalement Assistée) renforcée et de la GPA (Gestation Pour Autrui) à venir, du wokisme et du transhumanisme très en vogue, cette idée de parthénogenèse, procréation sans sexualité, est intéressante.
L’anthropologue Françoise Héritier (Masculin/Féminin, t.2, 2002) en donne une définition poétique en évoquant le mythe ancien d’« une humanité d’avant l’humanité présente et le désastre de la vie commune et la procréation sexuée. Il s’agit d’Îles des femmes, perdues dans les océans, où des femmes entre elles, que découvre un voyageur égaré, continuent de se reproduire à l’identique par parthénogenèse ou grâce à l’ensemencement par le vent, le soleil, les plantes… », dans un déni fantaisiste de la différence des sexes, doublé d’une vision désexualisée de l’être humain.
Espérons que la Déesse de La Discorde ne sèmera pas la zizanie dans les stades, à la fois sur les gradins et parmi les gladiateurs, les Dieux des Olympiades, accompagnée de son grand ami, le marketing de la peur…
Il y a mille et une façons de se mouvoir
Je ne m’attarderai pas sur les scandales dans les fédérations de football, rugby, clubs de natation, tennis, de sports de combat etc. qui jalonnent l’histoire du sport depuis des décennies.
Le journaliste Romain Molina qui a été auditionné en visioconférence (il a dû quitter la France suite à ses révélations) par la commission d’enquête à l’Assemblée Nationale le 20 juillet 2023 dénonce la pédophilie, les viols, la prostitution, le racket, le trafic d’armes, de drogues, le dopage et la corruption systémiques, les matchs truqués etc. dans les clubs et les fédérations sportives en France et à l’étranger (cf. Portail vidéo, site de l’Assemblée Nationale).
Il y avait deux personnes dans la salle pour l’écouter en plus de la présidente et de la rapporteur : un énième rapport d’enquête aux révélations dérangeantes qui restera sans surprise au fond d’un tiroir… (cf. le rapport du Sénat de 2010 sur la grippe H1N1).
Aussi, même si je n’ai rien contre le sport ou plutôt l’activité physique – ce qui n’est pas la même chose – la rivalité, la compétition, la performance, les corps surentraînés usés avant l’heure, le racisme, le sexisme, le nationalisme, les médailles, les podiums, les bannières, les flambeaux, les Pom Pom Girls, les premiers de la classe… très peu pour moi !
Il y a mille et une façons de se mouvoir dans la vie : marcher, nager, danser, jardiner, astiquer de temps en temps sa maison… aussi, courir ou faire du vélo sur des kilomètres, escalader des montagnes, skier, faire du parapente ou du saut à l’élastique, taper dans un ballon ou dans une raquette, monter à cheval, faire du yoga etc. sans pour autant transpirer dans une salle de sport surchauffée ou encore établir des records narcissiques démesurés dans des rencontres sportives qui n’ont d’amicales que le nom et en y laissant sa santé…
Du Pain, des Dieux et des Jeux !
© Bettina Flores, 22 septembre 2023.
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