Samuel Grzybowski nous parle de son livre Les terroirs et la Gauche, publié aux Éditions du Faubourg.
Samuel Grzybowski est un activiste et entrepreneur social. Cofondateur de Coexister, mouvement de jeunesse et d’éducation populaire pour la laïcité, il a aussi oeuvré pour l’union de la gauche à travers la Primaire populaire et le Nouveau Front populaire. Directeur général d’une coopérative de tiers-lieux écologiques et solidaires (CitéCoop), il enseigne à Sciences Po et à l’ESSEC et signe ici son sixième ouvrage.
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INTERVIEW
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ce livre ?
J’ai souhaité explorer le concept de terroir et son potentiel pour construire une société plus solidaire et respectueuse de son environnement. Ce livre, c’est aussi un moyen de faire le lien entre mon engagement civique et mon amour pour les terroirs français. Il incarne à la fois mon attachement à la diversité locale et ma quête pour une justice sociale. J’ai surtout voulu l’écrire pour dire à la gauche de s’approprier cette notion qui est parfaitement compatible avec la quintessence de son projet.
« Terroir », « patrimoine », « territoire », « identités vivantes » : pouvez-vous nous expliquer tout ça ?
Le terroir, pour moi, dépasse largement une simple région ou une origine géographique. Je le vois comme une « frontière ouverte » qui embrasse les interactions entre l’humain et son milieu. Contrairement à un territoire administratif, le terroir se distingue par des frontières souples et un lien profond avec des traditions vivantes et la communauté qui l’habite. C’est cet ensemble d’interactions qui, selon moi, fait des terroirs des espaces uniques.
Votre enfance dans un logement social à Paris, vos parents catholiques et de gauche… Cela vise-t-il à ancrer votre propos dans une réalité sociale particulière ?
Absolument. Mon parcours personnel ancre mon propos dans une réalité sociale qui m’est familière. En partageant comment j’ai grandi dans ce contexte, je montre que j’ai été formé par cette diversité d’expériences et de points de vue, ce qui nourrit aujourd’hui mon engagement. Cela m’a donné une sensibilité particulière pour les questions de justice sociale et d’inégalités, que je retrouve en filigrane dans mes réflexions sur les terroirs.
Quelle méthode avez-vous employée pour concilier récit personnel et objectivité dans votre analyse ?
Ma démarche a été de marier analyse géographique et sociologique à des souvenirs et des expériences vécues. J’ai construit mon analyse en m’appuyant sur des exemples concrets, des rencontres, et des lieux, tout en prenant du recul pour explorer leurs implications plus larges sur le plan politique et social. Cela me permet de rester ancré dans la réalité tout en apportant une dimension analytique. J’assume dans le texte un travail de recherche non scientifique qui est en lien avec ma propre exploration mais qui est sourcée et mis en perspective avec une étude approfondie du sujet.
Pourquoi la gauche a-t-elle parfois négligé les terroirs dans son discours et ses actions politiques ?
Je pense que la gauche a souvent perçu les terroirs comme des symboles « conservateurs » ou associés à un passé figé. Pourtant, le terroir incarne des valeurs progressistes essentielles : il est un espace d’écologie, de solidarité locale, et d’ancrage communautaire. C’est un aspect que j’aimerais voir intégré au projet de gauche, car le terroir est un allié naturel pour répondre aux défis sociaux et environnementaux. Je crois aussi qu’il existe des traditions progressistes, comme le 1er Mai, la manifestation, le banquet républicain, la fête de l’Huma et que ces traditions sont des traditions d’ouverture et d’ancrage militant.
La créolisation de la société, un concept de Jean-Luc Mélenchon d’origine glissantienne, suscite l’indignation de l’extrême droite. Pourquoi ?
La créolisation, inspirée par Édouard Glissant, valorise les métissages culturels, l’ouverture et le dialogue entre les cultures. Elle oppose directement l’idée d’une identité française « pure » et figée que défend l’extrême droite. Pour eux, ce métissage menace une vision figée et exclusive de la nation, là où la créolisation met en avant une identité vivante, en constante évolution.
Comment raviver la confiance et l’envie de voter à gauche après des événements comme le 49.3, la loi El Khomri ?
Pour regagner la confiance, la gauche doit renouer avec les réalités locales et les préoccupations écologiques et sociales qui émergent des terroirs. En offrant un projet politique ancré dans la justice sociale, tout en respectant les particularismes régionaux, je crois que nous pourrions redonner envie de voter à gauche. Ce lien à la fois local et solidaire peut inspirer une nouvelle dynamique. La gauche telle que je la définis dans l’ouvrage exclut d’après moi les deux trahisons du néolibéralisme et de l’identitarisme. D’un côté la gauche néolibéral de Hollande qui nous a trahi, et de l’autre celle du Printemps Républicain qui est sorti du bois en rejoignant désormais les courants de l’extrême droite.
Combien de temps avez-vous mis à écrire ce livre ? Avez-vous rencontré des difficultés ?
Écrire ce livre a été un long processus. Il m’a fallu du temps pour trouver le bon équilibre entre récit personnel et analyse politique. J’ai traversé des périodes de doute, de réécriture, mais c’était nécessaire pour rendre le propos le plus clair et nuancé possible. Ce livre représente pour moi un engagement sincère, et j’ai voulu le soigner jusque dans les moindres détails. J’ai pris 2 semaines en avril 2024 pour lire une vingtaine d’ouvrages et écrire le premier tiers, isolé du monde, dans le terroir du Clunisois.
Vos astuces pour concilier vos vies d’entrepreneur, d’enseignant, d’écrivain et vos responsabilités politiques ?
Je dirais que la clé, c’est de prioriser chaque engagement et de considérer chaque aspect de ma vie comme complémentaire. Par exemple, l’écriture me permet de réfléchir en profondeur à des questions que j’aborde aussi dans mon travail d’entrepreneur ou mes responsabilités politiques. Chaque rôle nourrit l’autre, et cela m’aide à gérer ces différentes facettes. Je suis en cabinet sur un territoire de petite taille et je dirige des tiers-lieux ouverts sur des quartiers ce qui me permet de traiter du localisme en permanence, et tous mes métiers sont en lien avec la justice sociale et climatique. Je trouve donc une certaine harmonie.
Pourquoi faites-vous de la politique ? Qu’est-ce qui vous anime ?
Ce qui m’anime, c’est un désir profond de transformation sociale et de justice. La politique est pour moi le moyen d’incarner les valeurs que je défends dans ce livre : un équilibre entre unité et diversité, entre solidarité et respect des terroirs et de ceux qui y vivent. C’est ce mélange de convictions et d’engagement que je souhaite apporter pour construire une société plus juste et plus humaine. Pour autant, il ne vous a pas échappé que je n’ai jamais été membre d’un parti politique et que je ne crois qu’à un projet de société porté par la gauche dans sa diversité toute entière. La nation est aux terroirs, ce que la justice est aux courants de la gauche. C’est-à-dire qu’il nous faut un ciment capable de porter nos différentes branches. La gauche unie peut et doit gouverner pour changer la vie des gens et limiter les effets néfastes de la crise climatique et migratoire à venir. Relié au politique, mais avec un pas de côté, j’aime m’employer à réconcilier les différents partis de la gauche pour les mettre dans une dynamique de victoire.
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