Reportage : Bettina Flores à San Cristóbal de Las Casas au Mexique.
Dans cette chronique, Bettina Flores nous emmène au cœur de San Cristóbal de Las Casas, une ville mexicaine emblématique débordant d’histoire et de culture, dans l’état du Chiapas.
Lire aussi cet Article… Chômage et Café du commerce…
Au Chiapas, pays des Zapatistes, Le Chemin du futur : un exemple à suivre pour le reste du monde ?
Les criminels restant impunis.
Arrivée le 30 avril dernier à San Cristobal de Las Casas au Mexique dans l’État du Chiapas, pour un séjour d’un mois et demi, comment ne pas s’intéresser au mouvement zapatiste si présent dans la région ?
Le 24 juin 2015, un communiqué de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale, sous la plume du sous-Commandant insurgé Moisès, a dénoncé la fraude électorale, la répression des instituteurs “démocratiques” (dissidence syndicale du Syndicat National des Travailleurs de l’Éducation inféodé au gouvernement), la réforme éducative qui n’est que mensonges pour soi-disant améliorer l’éducation alors qu’elle la rend encore plus mauvaise – pas uniquement au Chiapas, dans les autres états également. Les instituteurs dissidents ont été réprimés, certains assassinés.
Des paramilitaires attaquent les bases de soutien zapatistes et les indigènes des communautés en détruisant les maisons et les commerces, en abattant le bétail, en volant leurs affaires, en répandant des herbicides dans les prés à bêtes, en diffusant des mensonges dans les médias pour discréditer le mouvement, les criminels restant impunis, jamais arrêtés car protégés et payés par le gouvernement.
L’autonomie économique des populations.
Pour empêcher l’accaparement de leurs terres, les Zapatistes se sont organisés en Armée de Libération Nationale.
Une politique d’expropriation des terres qui a été mise en place en délivrant des certificats de propriétés, parfois datant de la Nouvelle-Espagne, a trompé les populations locales. Une fois découvert du pétrole, de l’or, de l’uranium, de l’argent, une source d’eau pure, le terrain est morcelé créant des dissensions entre voisins et même au sein des familles, les terres étant expropriées par le gouvernement fédéral. Ceux qui ont eu le privilège de décrocher le certificat agraire moyennant paiement, touchent une aide de l’État. Avec cet argent, ils s’endettent, vendent leur certificat à d’autres ou payent un passeur pour aller aux États-Unis. Certains en arrivent à s’entretuer pour un morceau de terre fractionnée à l’infini. En quarante ans, le gouvernement a ainsi “semé la mort” partout.
Les Zapatistes, en récupérant les terres aux mains des grands propriétaires ont amélioré l’alimentation en mettant un terme à la famine, ont mis en place des programmes de santé et d’éducation, le travail collectif de la terre et ont réalisé l’autonomie économique des populations.
Des manifestations ont lieu fréquemment
Les valeurs éthiques prônées par le mouvement sont l’anti racisme, l’anti sexisme, contre la violence, les idéologies partisanes, religieuses, nationalistes, la propagande politique et sportive. Ils prônent l’indépendance économique des femmes zapatistes, la mise en commun et le partage des terres et des productions, que les paysans soient zapatistes ou non, la préservation des arts indigènes et de la culture locale, des plantes médicinales. Ils luttent contre le capitalisme néolibéral qui détruit la nature avec des infrastructures (barrages, lieux touristiques, méga-projets etc.) et contre le délitement du tissu social engendré par la violence. C’est pour eux une question de survie et Le Chemin du futur pour les générations à venir.
Anéantir la population majoritaire “Les dépossédés” au motif de ressources insuffisantes de la planète, est le prétexte d’une politique eugéniste pour réduire la population en expulsant les paysans via des guerres “efficaces” de toute nature, petites et grandes, jusqu’à ce que “l’équilibre soit atteint”.
Au Nord de San Cristobal, des bidonvilles rassemblent les villageois des alentours chassés de leurs terres et les migrants sud-américains, haïtiens qui veulent entrer aux États-Unis.
L’État-nation depuis des décennies ne remplit plus sa fonction régalienne mais est le bras armé des cartels du capital. Le nombre de personnes disparues au Mexique depuis 1964 s’élève à 107 201 (chiffres au 7 novembre 2022).
Des manifestations ont lieu fréquemment pour dénoncer les faits (cf. photos).
Entre l’anglais, le français et l’espagnol
En novembre 2023, le mouvement autonome zapatiste s’est réorganisé en créant un Gouvernement Autonome Local, des Collectivités Gouvernementales Autonomes Zapatistes et des Assemblées de Collectifs des Gouvernements Autonomes Zapatistes, structure décentralisée, qui n’a pas de pouvoir d’autorité mais de contrôle des besoins des communautés, des rentrées d’argent, d’auto-défense chiapanecos des terres en lien avec les villes soeurs voisines non zapatistes.
À San Cristobal, les Zapatistes sont très populaires et appréciés car ils apportent la santé (cliniques, médecins), l’éducation (écoles, programmes d’alphabétisation), le travail (agricole et autre). Ils luttent contre les meurtres de femmes, protègent les terres contre l’ORCA, organisation politico-militaire paramilitaire, et contre les narcos, les narco-trafiquants, installés depuis deux ans dans l’État, avec lesquels le gouvernement du Chiapas a fait alliance pour le trafic de drogue et déstabiliser les Zapatistes.
En avril 2021, une délégation zapatiste s’est rendue au Parlement Européen à Bruxelles afin d’échanger son expérience avec d’autres peuples, d’apprendre aussi d’eux et de “soigner le monde”. Leur devise est “La liberté, c’est la vie”. En cette époque de noirceur de tous ordres, n’aurions nous pas quelques leçons à apprendre des Zapatistes pour reconstruire sur de nouvelles bases nos sociétés si mises à mal ces dernières années ?
Je remercie tout particulièrement la personne qui m’a donné ces informations sur le mouvement zapatiste (cf. photo du site web). Entre l’anglais, le français et l’espagnol (que j’ai un peu potassé dans l’avion…), on a réussi à se comprendre.
La Vierge de Guadalupe
Les Mexicains sont dans l’ensemble très croyants, catholiques pratiquants. Tous les matins, une messe a lieu dans la cathédrale de San Cristobal. La religion est un mélange de christianisme et de paganisme. La fête des morts – qui n’a rien à voir avec celle anglo-saxonne d’Halloween – célébrée à partir du 2 novembre durant trois jours, est plus importante que Noël qui est secondaire au Mexique. C’est l’occasion de couvrir de fleurs dans les cimetières les tombes des êtres chers, en musique et en faisant la fête. Des autels avec les portraits des défunts sont érigés un peu partout, leur rendant hommage et les faisant revivre en quelque sorte. Le rapport à la mort (et à la vie) n’est pas le même que dans les pays riches occidentaux, où elle est taboue voire “pornographique” comme l’explique Jean Baudrillard
dans L’échange symbolique et la mort (1976).
Il est difficile de prendre des photos au Chiapas
Un autre culte catholique très important en Amérique Latine est celui de la Vierge de Guadalupe, apparue en 1531 au Nord de Mexico à un indigène, Juan Diego, et fêtée le 12 décembre, jour férié. Une représentation sculptée de Notre-Dame de Guadalupe en Estrémadure, vénérée depuis le XIVe siècle, avait été apportée par les conquistadors et les évangélistes espagnols dans le Nouveau Monde. Patronne de la ville de Mexico depuis 1737,
décrétée patronne de la Nouvelle-Espagne en 1754 et son culte fixé au 12 décembre par le pape Benoît XIV, patronne du Mexique depuis 1895, de l’Amérique Latine, de la ville de Ponce à Porto Rico, patronne des étudiants au Pérou depuis 1951, elle a été proclamée “Reine du Mexique” en 1895 et “Impératrice des Amériques” en 2000. Elle est vénérée aussi dans d’autres pays du monde.
Au XVIe siècle, elle est devenue la protectrice des villes contre les inondations et les épidémies de peste qui s’ensuivaient.
De nos jours, la Vierge de Guadalupe fédère et unit dans une croyance commune tous les Mexicains, quelle que soit l’origine ethnique ou sociale, dans une société pourtant fortement hiérarchisée, répartie entre les descendants des conquistadors, propriétaires terriens, en haut de l’échelle sociale, les métis au statut intermédiaire et les indigènes pauvres et marginalisés.
Le sanctuaire marial de Notre-Dame-de-Guadalupe est le lieu de dévotion catholique le plus visité après le Vatican. Durant la révolution de 1912, la Vierge de Guadalupe fut utilisée en bannière dans l’Armée libératrice du Sud d’Emilio Zapata.
Il est difficile de prendre des photos au Chiapas au risque d’avoir de gros soucis, que ce soit sur les marchés ou dans les rues car les indigènes considèrent que les prendre en photo, c’est voler leur âme…
#Zapatistes #LutteIndigènes #RésistanceMexique #Anticapitalisme #SanCristobalDeLasCasas #ConcilioZapatistaDeGobiernoIndígena
Au Chiapas, pays des Zapatistes, Le Chemin du futur : un exemple à suivre pour le reste du monde ?
© Bettina Flores, 22 mai 2024.
Laisser un commentaire