Un Voyage Intime à Travers la Maison Squelette et Au-Delà
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Camille Patrice est née à Paris. C’est une autrice française. Elle est assistante-réalisatrice pour le cinéma et la télévision. La Maison-Squelette est son premier livre.
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Pourquoi ce livre et pourquoi maintenant ?
Maintenant, c’était il y a quatre ans, et c’est la mort de mon père qui a été le déclencheur de l’écriture de ce livre. Ça m’a quand même pris un an avant de m’y mettre. Un an à courir partout avant que ma vie presse pause et que je me prenne la mort de mon père en pleine gueule. Alors, j’ai eu l’impression que tout ce sur quoi je m’étais construite venait de s’effondrer avec lui. Écrire a toujours été un moyen pour moi de reprendre le contrôle. C’est le meilleur moyen que je connaisse.
Quand j’écris, ma colère devient enfin quelque chose de constructif.
Pourriez-vous nous éclairer sur la démarche derrière le choix des surnoms pour les personnages plutôt que des noms, et comment cela contribue à votre narration ?
Les surnoms, je ne crois pas que c’était une démarche, il n’y avait rien d’aussi réfléchi, c’est juste venu naturellement, dès les débuts de l’écriture. Aujourd’hui, je crois que c’était une manière de m’approprier tous ces gens que j’ai connu pour en faire des personnages. En les baptisant, ils sont devenus des figures qui m’appartiennent un peu, car leurs surnoms illustrent ce qu’ils ont représenté pour moi.
J’ai toujours été plus intéressée par la fiction que par la réalité, je me suis seulement basée sur la mienne pour créer une sorte de mythologie de mon passé.
Dans le livre, le thème du nom revient sans cesse. Je suis la fille de quelqu’un et j’ai toujours été en boucle sur l’idée qu’être une fille, ça voulait dire qu’on perd le nom. Le nom se perd, s’il n’y a pas de garçon. Mes grands-parents ont été rebaptisés ; ils ont perdu leurs prénoms et noms savants pour en recevoir un nouveau.
Le nom de mon père, c’est un nom qui commence avec eux.
L’écriture de votre premier roman est certainement une aventure. Pourriez-vous partager des moments clés de ce processus, notamment comment vous avez abordé l’écriture de scènes aussi personnelles ?
Au début je ne pensais pas que les bribes que j’écrivais à droite à gauche pourraient devenir un livre. J’étais bien tranquille avec mes scénarios et les livres de fiction que j’avais entamés. Mais l’écriture de la Maison Squelette a progressivement pris toute la place, éclipsant mes autres histoires. J’ai commencé à écrire sans vraiment savoir où j’allais jusqu’à ce que je comprenne que je parlais de maisons, à partir de là, la structure du livre est devenue une évidence et j’ai très vite su quelles maisons allaient y figurer.
Je ne me suis jamais posé de limite sur ce que je devais raconter ou pas, j’ai écrit ce qui faisait sens pour moi. L’écriture de ce livre avait quelque chose d’instinctif, comme une certitude.
La deuxième étape a été la rencontre avec mon éditrice, Angie David. Dans le travail que nous avons fait toutes les deux, j’ai eu beaucoup de chance. Angie avait compris le livre et m’a offert son regard pour aller tailler dans la masse de ce qui était en trop, moi qui ai tendance à tourner cinq cent fois autour d’une idée, en me répétant trop souvent parfois. Elle m’a aidé à comprendre que ce n’était pas parce qu’il y en avait plus que ce serait mieux. Que c’est en coupant que certaines choses prendraient leur dimension et seraient mises en valeur, plutôt que noyées dans la masse. Je crois que le rythme du livre a réellement émergé grâce à ce travail-là.
On ressent fortement l’importance des différentes maisons dans votre roman. Pouvez-vous nous parler de la façon dont chacune a marqué votre vie et contribué à la personne que vous êtes aujourd’hui ?
Je viens de deux milieux différents à l’extrême et mes parents étaient des extra-terrestres dans leurs propres tribus. Grâce à eux j’ai traversé de nombreux univers et pu me frotter très jeune, à différents milieux. Toutes les maisons du livre m’ont marqué, chacune à sa manière. Elles m’ont toutes montré la vie dans ce qu’elle a de plus ambivalent, de la beauté la plus majestueuse, à la plus grande laideur.
Comment on peut avoir un lieu qui est tout pour vous et puis le perdre un jour, parce qu’il n’y a plus d’argent. Comment on peut détester un lieu, à cause des gens qui y vivent et comprendre qu’on l’a toujours aimé le jour où l’on y vient seule pour la première fois. Comment on peut perdre sa maison, son village, son pays, à cause d’une guerre. Comment on peut perdre qui l’on est entre les quatre murs d’une maison…
Je me souviens d’une sculpture de Louise Bourgeois dans laquelle une petite maison en marbre rose était enfermée dans une cage, surplombée d’une guillotine, elle avait appelé sa structure « Prison ». C’était une représentation de sa maison de famille, à Choisy-le-Roi. Elle connaissait son sujet.
La Maison c’est la famille, le poids de l’héritage, des racines. De quelle histoire hérite-t-on? Avec quoi décide-t-on de construire la sienne? Souvent on en garde et puis on en jette aussi. Je crois que les histoires de mes familles m’ont aidé à me connaître mieux. Je suis sûrement obsédé par l’idée de la maison parce que je me suis toujours sentie nomade, incapable de vraiment m’attacher, que j’aime mieux le voyage que la destination. J’aimerais poser mes valises, construire quelque chose, mais je passe tout mon temps à recommencer. Je n’ai jamais mis les pieds dans le désert, mais j’ai le nomadisme dans le sang.
L’exploration de votre vie à travers l’écriture, surtout après la perte de votre père, peut offrir des perspectives fascinantes. Quelles découvertes ou réflexions fondamentales avez-vous faites sur vous-même dans ce processus ?
En écrivant, j’ai découvert à quel point mon père avait été important dans ma vie, alors que je l’avais toujours tenu à distance. J’avais besoin d’écrire tout ça sans doute, pour tout ce que je ne lui avait pas dit. Des choses bêtement simples, comme à quel point j’étais fière d’être sa fille.
En écrivant ce livre, j’ai appris à me confronter à toutes les choses qui gardaient encore du pouvoir sur moi. Étrangement, les écrire m’a fait le même effet que de les effacer. En y revenant jour après jour, elles ont perdu leur force et une partie de l’empire qu’elles avaient sur moi.
J’ai surtout appris à m’accepter, c’est quelque chose qui vient avec l’âge bien sûr, mais le livre n’y est pas étranger. Une amie m’a dit qu’elle avait trouvé que le livre donnait envie de s’accepter entièrement soi-même, j’espère que c’est vrai.
Entretien réalisé le 26 octobre 2023.
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