Nous recevons aujourd’hui la sénatrice Esther Benbassa, à l’occasion de la sortie de son nouveau livre « Vendredi noir et nuits blanches »
Pourquoi ce livre, et, pourquoi maintenant ?
L’idée de ce livre est née au cours des jours qui ont suivi l’attentat du 13 novembre, puisque j’habite à côté, et cet attentat m’a fait revenir sur ma propre vie et sur ce que j’ai connu dans mes différentes pérégrinations. Et ça m’a permis également, pendant cette année d’actes terroristes terribles et d’événements politiques très compliqués, de retracer un peu, c’est une sorte de chronique, également une chronique littéraire de cette année terrible qui est aussi pour moi une année de descente un peu dans mon propre enfer. Et aussi de raconter comme une visiteuse de nuit, puisque je ne viens pas de la politique directement, de raconter mon intrusion, j’utilise ce mot, dans la vie politique.
Vous n’écrivez pas les noms des terroristes, que des initiales, pourquoi cela ?
Parce que je n’avais absolument pas envie de faire de la publicité à ces personnes qui en tuant et en se tuant deviennent des héros d’un jour. Et parce que pour moi, ce sont des héros négatifs, totalement travaillés par une idéologie funeste, je n’avais absolument pas envie de leur faire de la publicité !
Dès les premières pages du livre, vous nous parlez d’un kidnapping, pas n’importe lequel, mais celui que vous avez subi plus jeune. Se faire kidnapper est généralement quelque chose de traumatisant et il se dit que quand on subit ce genre de chose, on est amené à se replier sur soi, mais comment expliquer que, dans votre cas, vous êtes ouverte aux autres…
Y a-t-il eu un suivi, un traitement ?
Ce n’est pas un kidnapping, enfin, j’étais un peu partie volontairement. C’est un peu mon univers à moi, où je suis une sorte de personne cosmopolite universelle. Ça raconte aussi un peu ce que je suis, c’est vrai, une personne très liée aux minorités, aux souffrants, aux sans-voix, aux malheureux, aux réfugiés, à la cause gay… enfin, vous savez, voilà, c’est un peu moi. [Rires]
Il y a une magnifique scène dans votre livre, qui m’a énormément marqué, quand vous racontez par exemple que quand vous étiez en Israël et que le CNRS a oublié de vous rapatrier et que vous êtes allée voir votre mère qui était dans son appartement en train de trier son riz sans être au courant de ce qui se passait à l’extérieur…
Il est vraiment très touchant ce passage.
[Rires] Il est vrai, voilà ! C’est ce qui s’est passé. Vous savez, euh… tout le monde ne vit pas les événements de la même manière, c’est ça !
Il est écrit, quelque part, sur la page 17, « habitués » qu’ils sont à cette violence, les Israéliens recommencent à sortir, à fréquenter cafés, terrasses et spectacles. Jusqu’à la prochaine attaque. »
S’habitue-t-on vraiment au terrorisme ?
On ne s’habitue pas, mais on vit avec. On ne s’habitue jamais, mais on vit avec, et on essaye de vivre parce qu’il faut que la vie domine la mort !
Comment réussit-on, comme vous, à parler du monde, tout en parlant de soi ?
On peut parler du monde et de soi en même temps lorsqu’on n’est pas coupé du monde, qu’il y a une interaction et qu’on est conscient de ce qui se passe autour de soi et qu’on ne s’enferme pas dans son ego !
Serait-il possible de nous parler de l’un de vos plus beaux moments de culture ?
Vous savez, j’adore la musique, j’adore le théâtre, je suis quelqu’un qui sort pas mal, qui est amateur d’art, je suis surtout petite collectionneuse, parce que je suis pauvre, pas assez riche, je veux dire (…) je me lève et je regarde mes tableaux ou mes sculptures. Voilà !
Chacun de nous a sa propre définition de la culture, et vous, comment la définissez-vous ?
La culture c’est une fenêtre qui s’ouvre vers le monde, mais qui ne se ferme jamais !
Entretien réalisé en 2016
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