Leslie Gogois nous parle de son livre Amour, saignant ou à point, publié aux Éditions Léo Scheer.
Depuis plus de 20 ans, Leslie Gogois passe sa vie dans les cuisines des restaurants étoilés. Journaliste pour YAM, magazine de gastronomie lancé en 2012 par le chef Yannick Alléno, elle part aux quatre coins de la France à la rencontre des cuisiniers et des pâtissiers pour découvrir leurs savoir-faire et récolter leurs recettes.
Amour, saignant ou à point est son premier roman.
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INTERVIEW
Pourquoi ce livre et pourquoi maintenant ?
Pourquoi maintenant ? Je dirais que ce roman a mûri en moi de longues années… Et j’ai eu la chance d’avoir une éditrice incroyable, Angie David, qui a cru en moi alors même qu’elle n’avait jamais lu une seule ligne de ma part. L’idée de ce roman est née de nos échanges, et j’ai eu envie de mêler l’amour et la gastronomie. Ce sont définitivement mes deux thématiques de prédilection… L’amour est un sujet infini qui me passionne encore et encore. J’ai longtemps travaillé en tant que pigiste pour la presse féminine (Cosmopolitan, notamment). Et j’ai aussi écrit plusieurs livres sur le couple, la séduction, la sexualité. Donc c’est tout naturellement que je suis allée vers la thématique de l’amour pour mon premier roman en prenant comme toile de fond les coulisses de tables étoilées, où je passe ma vie en tant que journaliste culinaire pour le magazine YAM.
Votre roman semble d’abord embrasser le style « feel-good » américain, mais à mesure que l’on avance dans l’histoire, des thèmes plus profonds et complexes émergent. Est-ce là l’objectif recherché ? Peut-on en savoir plus ?
J’avais très à cœur que ce roman soit « feel good ». J’aime moi-même lire des romans qui me font me sentir bien, c’est donc ce que j’ai cherché à créer au fil des pages. Cela dit, je voulais mixer ce côté feel good / good vibes avec des sujets peut-être effectivement plus profonds pour montrer les différentes facettes de la vie d’une maman solo avec tout ce qu’elle comporte ; à savoir la charge mentale liée aux enfants, les angoisses de ce nouveau statut de célibataire, ainsi que les hauts et bas d’une femme malmenée par les épreuves et les déceptions amoureuses.
Existe-t-il un amour véritable et éternel, ou est-il toujours temporaire et soumis aux aléas de la vie ?
Je ne pense pas qu’il existe d’amour éternel, mais d’amour véritable, si. C’est d’ailleurs un amour véritable pour son époux qui a poussé Rose à se marier, à s’engager. La rupture qu’elle vit au bout de 20 ans est d’autant plus retentissante qu’elle vivait cette histoire d’amour avec intensité et joie, qu’elle y croyait dur comme fer. Mais l’amour, aussi véritable, sincère et merveilleux soit-il, me paraît toujours soumis aux aléas de la vie. De nombreux éléments peuvent ternir un amour véritable au fil des années.
Comment la séparation amoureuse influence-t-elle notre perception de nous-mêmes et notre construction identitaire, dans le cas de Rose ?
La séparation amoureuse est un tsunami émotionnel. Il déstabilise forcément, on se sent ensuite plus fragile, avec la peur de souffrir à nouveau. Ce qui peut créer une carapace. C’est d’ailleurs un des enjeux de ce roman : mieux veut-il vivre une nouvelle histoire d’amour au risque de souffrir à nouveau ? Ou s’en priver pour être sûr de ne pas sombrer dans la tristesse et la douleur ? Rose fait le choix de vivre quelles que soient les conséquences. Cette séparation après 20 ans de vie maritale lui fait découvrir de nombreuses ressources. Elle se découvre être une femme forte, qui assure et assume malgré tout. Bien qu’elle ait le cœur tendre, elle est stable et ancrée. Cette épreuve participe à sa construction identitaire.
L’envie de se remettre en couple de Rose est-elle motivée par un besoin profond d’union ou par la peur de la solitude ?
Avant de vouloir se remettre en couple, Rose doit se remettre de sa rupture. Apprivoiser ce nouveau statut de célibataire à 40 ans, elle qui était en couple, depuis deux décennies. Puis, au fil du temps, elle a envie de retrouver l’amour. Ses motivations oscillent entre un besoin profond d’union pour retrouver la joie d’affronter la vie à deux et la tentation de vivre une histoire uniquement pour éviter la peur de la solitude…
Selon vous, pourquoi certaines personnes redoutent-elles le célibat, et est-ce lié à une peur de l’isolement ou à une quête perpétuelle de validation externe ?
Le célibat est un état parfois délicat à assumer, surtout à 40 ans où on se trouve entouré de couples. Lorsqu’on est seule à nouveau, on peut avoir l’impression de dénoter dans le paysage. Être célibataire à 20 ans ou 40 ans, ce n’est absolument pas la même chose à vivre. C’est pour ces raisons que certaines personnes redoutent le célibat, qui induit parfois un isolement. Noël, les fêtes de famille, les vacances d’été, ces caps sont plus durs à vivre sans conjoint.
Quels défis avez-vous rencontrés en décrivant les coulisses du métier de critique gastronomique ?
Je n’ai pas rencontré de défi particulier car cet univers est celui dans lequel j’évolue depuis plus de 20 ans.J’ai adoré décrire les coulisses des tables étoilées que j’ai la chance de fréquenter dans le cadre de mon métier de journaliste culinaire. Emmener les lecteurs avec moi pour leur faire vivre ma vie en reportage, en shooting. En revanche, je ne suis pas critique gastronomique, mon but n’est pas de donner mon avis, qu’il soit positif ou négatif, sur une adresse, un restaurant, un chef. Je suis là pour écrire les recettes des chefs, leur portrait, leur passion, mettre en lumière leur singularité sur la scène culinaire.
Entretien réalisé le 20 mars 2024
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