J’ai oublié de mourir : L’interview exclusive avec Sandra Bassano, auteure d’un premier roman poignant sur la perte de mémoire et l’art de se relever
Sandra Rossi, artiste peintre de grande renommée, partage sa vie avec Pierre, mari bienveillant et chef réputé à l’ambition débordante. Leur destin bascule lorsqu’une maladie dégénérative précoce vient brutalement toucher la jeune femme.
A travers ce récit bouleversant, l’autrice nous fait découvrir l’envers du décor, celle d’une vie médiatisée et une histoire d’amour lourdement impactée.
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Comment avez-vous choisi le thème de la perte de mémoire pour votre premier roman ? Qu’est-ce qui vous a inspiré à aborder ce sujet délicat ?
Lorsque je n’étais qu’une enfant, j’ai rencontré une famille qui passait tous les étés dans une maison de vacances aux abords de mon village natal. Le couple avait un fils de 37 ans, touché par une maladie dégénérative précoce. À l’époque, ma bande de copains riait aux éclats de ses frasques et de son étrange comportement. Moi, j’étais terrorisée. Chaque été, son état s’aggravait. Ensuite, ils ne sont plus venus. J’ai rangé ce fait plus que marquant dans un coin de ma tête et fais mon bout de chemin.
Des années plus tard, j’ai travaillé dans les ambulances, VSL. Tous les jours, je côtoyais des patients atteints de la maladie d’Alzheimer, ainsi que leurs proches et aidants. Ma journée de travail terminée, je rentrais chez moi, la boule au ventre et des larmes dans les yeux. J’aimais ce métier. J’ai démissionné quelques mois plus tard, ne pouvant gérer les émotions, les sensibilités, les larmes des proches impuissants , les douleurs des malades, et mon propre ressenti sur cette effrayante et incontrôlable maladie.
Dans mon roman, je pose les mots que l’on tait.
Votre personnage principal, Sandra Rossi, est à la fois une artiste peintre renommée et une femme atteinte d’une maladie dégénérative précoce. Comment avez-vous réussi à créer une connexion entre ces deux aspects de sa vie dans votre histoire ?
Dans mon esprit, j’ai visualisé un pic Alpin. Ascension- Sommet- Descente vertigineuse. En clair, l’artiste se dévoile, grandit de sa passion, atteint la célébrité. Une vie organisée. Encensée. Convoitée.
Au sommet, l’artiste prend du recul sur son mode de fonctionnement et aspire à un peu plus de tranquillité, tout en gardant son étiquette et sa notoriété d’artiste. Ceci étant, les premiers symptômes de la maladie se déclarent et la descente devient chute vertigineuse, décadence. La connexion est naturelle.
Sandra Rossi est une personne attachante. Mes lecteurs suivent et partagent une tranche de vie. Simplement.
Pouvez-vous nous parler du processus d’écriture de votre roman ? Avez-vous effectué des recherches approfondies sur la maladie dégénérative dont souffre votre personnage ?
En effet, oui. J’ai fait diverses recherches sur les maladies dégénératives et plus particulièrement sur la maladie d’Alzheimer.
J’avais déjà creusé le sujet lorsque je travaillais dans les ambulances, afin de prodiguer aux malades l’aide nécessaire durant les déplacements hospitaliers.
J’ai ensuite approfondi le sujet avant de poser mon histoire sur le papier.
J’ai également pris contact avec un professionnel de la santé, afin d’utiliser les bons termes médicaux.
Je souhaitais également connaître son ressenti sur certains passages pouvant être perturbants pour mes lecteurs.
Comment avez-vous développé l’écriture sèche et percutante qui est mentionnée dans la description de votre livre ? Quelle importance accordiez-vous à la sensibilité émotionnelle poignante tout au long du récit ?
J’ai toujours écrit. Depuis ma plus tendre enfance, je griffonne, remplis le classique journal intime, je fais des listes de choses à faire, je note des phrases ci et là que je développe ensuite.
Lorsque mon sujet a germé et s’est concrètement structuré dans mon esprit, j’ai recherché des formations littéraires susceptibles de m’apprendre à moderniser mon écriture et trouver mon style. Celui-ci ne s’est pas fait attendre.
Dès les premiers exercices et essais, je pratiquais les phrases courtes. Cela mène le lecteur à l’essentiel. Je propose du concret. Du Direct. Les émotions, les ressentis touchent, sans artifice. Ce qui, à mon sens, intensifie la lecture et la rend plus percutante.
En tant qu’auteure faisant ses débuts avec votre premier livre, « J’ai oublié de mourir« , comment votre parcours personnel et vos expériences en tant que résidente dans différentes régions de la France ont-ils influencé votre processus d’écriture ?
Je méditais l’écriture depuis des années. J’ai toujours voulu écrire un livre. La vie ne met pas forcément les bonnes personnes et les moments propices sur le chemin mais un jour, l’instant arrive. Il suffit de le saisir et passer outre les craintes, la peur de l’échec, le jugement d’autrui. L’exercice n’est pas simple. Mon parcours et mes rencontres ont construit la personne que je suis.
L’histoire dans un coin de ma tête attendait patiemment le moment idéal pour prendre le stylo et gratter le papier. Ensuite, c’est un amalgame entre une histoire montée de toute pièce, des personnages attachants, des lieux que je connais bien et où j’ai adoré vivre, du vécu, quelques souvenirs inspirants, des émotions très personnelles livrées sans retenue. Écrire un livre, c’est donner un peu de soi.
Qu’espérez-vous que les lecteurs retiennent de votre livre ? Quel message ou quelle émotion souhaitez-vous transmettre à travers cette histoire ?
« J’ai adoré le livre. Premier roman réussi. Punaise, pas fastoche comme sujet mais traité avec une rudesse réaliste et une douceur romanesque. Belle alchimie. Et puis, très accessible, fluide. Et bien sûr, terriblement touchant d’un point de vue personnel. Bravo! »
Ceci est le commentaire d’un de mes premiers lecteurs. Je l’ai conservé précieusement parce qu’il résume exactement ce que je souhaitais transmettre. Depuis, les retours sont relativement similaires et toujours bienveillants. Peu importe le lecteur. Personnellement impacté ou non. Je ne ciblais pas un public en particulier. Juste transmettre. Gommer quelques craintes. Penser aux autres. Ne pas juger. Humilité. Bienveillance. Pari réussi.
Entretien réalisé le 25 juillet 2023
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