lauréat du Prix Folire, finaliste du Prix Emmanuel Roblès, du Prix Senghor, du Prix de la Vocation, sélectionné pour le Prix Landerneau, le Prix littéraire ENS Cachan, le Prix du premier roman de Chambéry, etc.
Qui est réellement Thomas Dietrich ?
Question difficile ! Je ne suis pas sûr d’être le mieux placé pour y répondre. Disons pour faire court (car je ne suis pas très doué pour les hagiographies) que j’ai fait Sciences Po, que je travaille actuellement au Ministère de la santé à Paris mais que j’ai également passé plusieurs années en Afrique.
J’ai travaillé dans l’administration centrafricaine pendant environ 2 ans.
Mais au-delà de la simple biographie factuelle, j’estime avoir eu la chance de côtoyer plusieurs cultures qui ont fait de moi ce que je suis.
Je revendique cette multiple appartenance, à mon pays natal la France et à plusieurs pays africains (le Tchad et la République Centrafricaine notamment).
Je suis fier d’être ainsi ouvert aux quatre vents du monde.
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ce livre ?
L’injustice sous toutes ses formes. Celle faite aux femmes tout d’abord. Sans être occidentaliste – car je me méfie comme de la peste de la « mission civilisatrice » de l’Occident en Afrique – j’ai pu constater combien la liberté de la femme pouvait être réduite à peau de chagrin au Sahel.
J’ai aussi été particulièrement choqué par le racisme, qui ici ne survient pas entre blancs et noirs, entre européens et africains, mais bien entre africains sahéliens, musulmans de culture nomade, et africains subsahariens, chrétiens ou animistes de culture sédentaire.
Les récents événements en Centrafrique ont jeté une lumière crue sur cette rupture, qui existe aussi au Tchad. Et c’est ce que j’ai voulu dénoncer à travers ce livre, rappeler comme l’écrit le Coran que « nous descendons d’un seul homme et d’une seule femme, et que nous avons été répartis en nations et en tribus pour nous entreconnaître ». Pas pour nous entretuer, pas pour nous entre-détester ; pour nous entreconnaître !
Enfin, la dernière injustice que j’ai voulu jeter sur le papier est la dénonciation de la dictature actuellement en place au Tchad. L’actuel Président Idriss Deby est venu au pouvoir par les armes et s’y maintient depuis maintenant 25 ans. Il s’est distingué par ses multiples violations des droits de l’Homme et le détournement systématique de la manne pétrolière que possède le pays – le tout avec la bénédiction condamnable des autorités françaises…
Tout au long de ma lecture, une question me taraudait : êtes-vous militant ?
Même si je conçois son existence, j’ai beaucoup de difficulté à apprécier le principe « de l’art pour l’art ».
J’estime que l’art, et notamment l’écriture, doit être au service de l’engagement.
J’essaye d’être un auteur au sens romain du terme (du latin « auctor » dérivé de l’infinitif « augere »), un Homme qui instigue, qui fait croître, qui améliore, en somme, qui essaye de délivrer un message. Et ce livre tente d’en délivrer et, à son modeste niveau, de changer le monde.
C’est peut-être d’une grande naïveté mais ce n’en est pas moins la manière dont je conçois l’écriture.
Au-delà de mes livres, j’essaye effectivement d’être un Homme engagé.
Je suis porte-parole d’un mouvement d’opposition tchadien, un pays auquel je suis viscéralement attaché malgré la face sombre que j’en montre dans Les Enfants de Toumaï. J’ai par ailleurs eu à prendre des positions assez fermes contre la politique française en Afrique, qui, à maints égards se montre détestable.
Peut-on dire que ce livre est une œuvre qui nous parle de l’amour entre deux personnes et contre tous ?
Pour ce livre, on me parle souvent de Roméo et Juliette africains. C’est en partie vrai. Car Roméo et Juliette, avant de se rencontrer, sont plutôt heureux et vivent dans une sérénité relative – n’eût été la rivalité entre les Montaigus et les Capulet. Mes personnages, quant à eux, sont des naufragés de la vie, enfermés dans un carcan social et politique oppressant. Ils souffrent et leur rencontre va être comme une lumière déchirant leurs ténèbres. Alors oui, ils vont véritablement s’aimer envers et contre tout.
Entretien réalisé en 2016
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