Hervé Pouzoullic nous parle de son livre Les bleus s’effacent toujours, publié chez Anne Carrière.
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INTERVIEW.
Pourquoi ce livre et pourquoi maintenant ?
Il m’a fallu trois romans pour dépasser le complexe de l’imposteur en littérature et me mettre entièrement au service de l’histoire. Le premier roman, Le Bigorneau fait la roue, était une célébration de la vie, une déclaration d’amour à celle avec qui je vis depuis plus de 20 ans. J’avais peu confiance dans mes qualités d’écriture. J’ai caché mes hésitations en usant de références culturelles. L’intelligence des autres comblait mes vides. Le thème abordé: comment trouver sa femme ?
Le deuxième, L’homme qui voulait aimer sa femme, était plus abouti. Le sujet: comment garder sa femme ? J’offrais un texte dénué de références, une réflexion sur le couple, traité avec humour. La comédie est une mise à distance et protège l’auteur. Malgré mes limites, il y avait de l’allégresse dans mon écriture. Mon éditeur avait confiance en moi…
Le troisième roman, Les Bleus s’effacent toujours. Je suis prêt à aborder un thème plus ambitieux : la violence reçue en héritage et transmise malgré soi. Que faire de sa violence ? Quelles décisions prenons-nous (métiers, partenaires de vie) pour traverser l’existence quand on s’est fait frapper petit ? Je me suis mis 100% au service de l’histoire. J’ai découvert les vertus de l’épure : un sujet, un verbe et un complément. Et alors que j’abandonnais l’idée de style, je trouvais le mien. On ne naît pas écrivain, on le devient.
Parlez-nous des coulisses du choix du nom du titre de votre livre et de sa signification profonde dans l’histoire.
Nous avons passé un temps incroyable à essayer de trouver un titre qui reflète le mieux le thème de la transmission de la violence. Dans le roman, la violence est un personnage à part entière. Elle surgit quand on ne s’y attend pas. Elle n’obéit à aucune règle. Elle n’est pas maîtrisée. Elle impacte les vies, celles de nos proches, souvent malgré soi.
Les bleus s’effacent toujours… cette phrase est prononcée dès la première scène par le héros. Il se fait défoncer par son frère, sans aucune raison. Ce titre, c’est la promesse d’un après, à laquelle il se raccroche pour traverser la violence et tenter de tenir droit.
Ce titre s’est imposé. Il y a un avenir après les coups.
Quels défis avez-vous rencontrés lors de l’écriture de ce texte et comment les avez-vous surmontés ?
Je n’ai jamais autant travaillé sur un roman. Deux ans de travail. J’ai eu la chance d’être accompagné remarquablement par les éditions Anne Carrière, son éditeur Stephen Carrière et l’équipe éditoriale. J’ai réécrit des scènes, changé la fin du roman. Écrire, c’est une œuvre collective. Il faut croire en son éditeur, faire montre d’humilité. On ne voit pas toujours l’ensemble quand on a le nez dans le guidon. Mais reprendre la fin, mettre au pilon trois chapitres auxquels vous croyez… c’est un vrai challenge quand je pensais avoir fini votre roman.
Quelle est la scène la plus mémorable pour vous dans ce roman ?
La première scène. Elle est ancrée en moi. Je l’ai vécue. J’ai poussé le curseur de la violence. Mais les émotions sont celles que j’ai ressenties.
Comment décririez-vous la relation entre Marc et son fils Quentin ?
Quentin est le fils du héros, la lumière de sa vie, la raison pour laquelle il poursuit sa route. Il veut être un bon père, souhaite le meilleur pour son enfant. Mais il est parfois rattrapé par sa propre histoire. Quentin est le révélateur de son humanité tourmentée. Son fils lui donne la force d’avancer et de prendre des décisions fortes.
Votre enfance bretonne semble avoir eu une influence significative sur votre vie et même sur vos œuvres. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Mon nom fleure bon le goémon breton. Le bonheur de l’enfance, je l’ai expérimenté en Bretagne, au milieu de mes cousins, dans la petite maison de ma grand-mère posée sur une tête de granit, face à la mer à Kerrock. On dormait tous serrés contre les autres et on était heureux. Mon enfance à Paris était tourmentée, baignait dans la violence, surtout familiale. Les relations avec mon frère étaient conflictuelles, sans intérêt. En Bretagne, nous avions les mêmes passions. Et on recevait assez d’amour avec notre grand-mère sans devoir le chercher à coups de poing.
Quelle est la source du conflit humain, selon vous, et comment pouvons-nous travailler vers une société plus pacifique et harmonieuse ?
Tout se joue dans notre jeunesse. Nous recevons en héritage une capacité d’aimer et une certaine dose de violence. La jeunesse est notre pré-histoire. Tout se joue dans nos premières années. La vigilance est de rigueur quand on élève ses enfants. Nous devons travailler sur soi, sans relâche, et proposer à ses proches une meilleure version de soi-même. Tendre vers le meilleur, c’est le but de notre parcours de vie.
Entretien réalisé le 16 mars 2024.
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