Yves-Marie Le Bourdonnec nous parle de son livre La clé des champs, publié aux Éditions Michel Lafon.
Originaire de Bretagne, Yves-Marie Le Bourdonnec, boucher renommé, a ouvert sa première boucherie à 18 ans. Il est reconnu pour son engagement envers la qualité et l’éthique dans la boucherie. Son franc-parler et sa passion pour la viande en font une figure médiatique, inspirant une nouvelle génération de bouchers et de gastronomes.
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INTERVIEW
Pourquoi ce livre et pourquoi maintenant ?
Si mon témoignage peut encourager la transmission dans ce métier, il semble que mon histoire intéresse sur ce sujet.
Que gardez-vous de vos débuts, lorsque vous repreniez votre première boucherie à 18 ans ? Qu’auriez-vous aimé qu’on vous dise à ce moment-là ?
À cette époque (1987), la qualité de la viande, la filière vertueuse, la consommation raisonnée de la viande ou la formation des bouchers… Ça ne parlait à personne, il fallait trouver le bifteck le moins cher pour en « bouffer » le plus possible.
Je ne m’attendais pas à un discours encourageant.
Après 35 ans de métier, qu’est-ce qui vous donne encore l’envie récurrente de continuer ?
Les choses ont enfin évolué, les consommateurs se posent les bonnes questions, mais il ne faut rien lâcher. Il faut continuer à encourager les éleveurs qui ont pris la bonne direction. Ils restent fragiles. Et puis j’adore les gestes de mon métier.
Comment réagissez-vous au choix professionnel de votre fils Yann, qui exerce en tant que boucher depuis 12 ans ?
Je suis fier de lui, il apporte son énergie, sa créativité, il s’épanouit dans ce métier en suivant ce que j’ai initié.
Quels sont vos sentiments, inquiétudes ou espoirs à ce sujet ?
Je n’ai pas d’inquiétude, il est plus fort que moi. J’ai de l’admiration pour son aventure qu’il a mise en œuvre seul, beaucoup de fierté. Ce métier a un bel avenir et un passé sombre.
Et comment vos aînés ont-ils été influencés pour suivre vos traces ?
Au début, ils n’aimaient pas mon métier car il m’accaparait trop et j’étais trop absent pour eux. Puis ils y sont venus plus tard après d’autres formations ou parcours scolaires. Dans la famille, nous avons l’amour de ce métier en nous !
Pourquoi avez-vous pris la décision de quitter les beaux quartiers parisiens pour vous installer dans la Nièvre ?
J’ai passé en 2017 mon entreprise à des investisseurs pour la consolider financièrement. Depuis, je ne m’y retrouvais plus, la culture « École de commerce » m’était très étrangère. C’est certes efficace, mais ça manque de poésie… Alors j’ai demandé à mes actionnaires la permission de me retirer à la campagne pour vivre d’autres aventures.
Et surtout, pourquoi la Bourgogne et non pas une autre région, comme peut-être la Bretagne où se trouvent vos origines ?
D’abord, parce que ma compagne y possède une maison, et nous nous y rendions régulièrement le week-end, j’ai adoré ce coin de nature.
Et puis, il y avait des éleveurs avec la même vision que moi.
Quels sont les moyens efficaces de soutenir et de promouvoir une économie alimentaire locale, réduisant ainsi la dépendance aux grandes chaînes d’approvisionnement ?
D’abord, accepter que la viande ne peut pas être un produit alimentaire ordinaire et peu coûteux. Sa production doit être réalisée en fonction de son paysage, en rémunérant correctement son éleveur.
Ensuite, comprendre que la qualité d’une viande dépend aussi de la bonne collaboration entre un éleveur et un boucher. Les deux savoir-faire sont indispensables.
Je ne crois pas à la vente directe de l’éleveur au consommateur… Et je combats la filière GMS qui entraîne la qualité vers le bas et rend cet aliment essentiel ordinaire.
Quels sont les principaux défis environnementaux auxquels l’industrie de la viande est confrontée aujourd’hui, et quelles actions spécifiques peuvent être entreprises pour encourager des pratiques plus durables dans ce secteur ?
Nous devrons consommer beaucoup moins de viande…
En France, nous sommes capables de produire en fonction des ressources de nos terroirs, mais il faudra revoir nos méthodes, les choix des animaux que nous avons décidés à d’autres époques, souvent par défaut.
Quelles mesures pourraient être mises en place pour promouvoir le développement économique des zones rurales et inverser l’exode rural ?
Il faudrait y consacrer un livre pour vous l’exposer. J’y pense !
Quels changements politiques, économiques et sociaux sont nécessaires pour transformer l’industrie de la viande vers un modèle plus durable et respectueux de l’environnement ?
Je pense que le consommateur est celui qui peut changer les choses par ses décisions d’achat.
Je suis triste de constater qu’à la campagne, le commerce local a pratiquement disparu au profit des GMS.
Entretien réalisé le 24 février 2024
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