Jonathan Denis nous parle de son livre Mourir dans la dignité, publié aux éditions Le Cherche Midi.
Mourir dans la dignité : Un appel à la réflexion, à l’action collective et à l’évolution législative éthique sur les questions de l’euthanasie et du suicide assisté.
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INTERVIEW
Pourquoi ce livre et pourquoi maintenant ?
Ce livre choral s’inscrit dans le débat sur l’accompagnement en fin de vie. Emmanuel Macron a annoncé un projet de loi incluant le développement des soins d’accompagnement et l’aide à mourir. Il était important pour moi de donner la parole à de nombreuses personnes engagées, en France et à l’étranger, sur ce chemin de l’accompagnement jusqu’à, ce que j’appelle, un soin ultime. Ce livre est un manifeste pour une nouvelle loi en France.
Qui est Jonathan Denis ?
J’ai 40 ans et je suis le président bénévole de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD) depuis fin 2021 après en avoir été son secrétaire général pendant 3 ans.
L’ADMD est une association fondée en 1980. J’ai rejoint ce combat après avoir accompagné mon père dans le cadre d’une euthanasie clandestine en France en 2008 alors qu’il était atteint d’un cancer généralisé et qu’il avait décidé quand il souhaitait partir face aux souffrances insupportables de la maladie.
Peut-on véritablement définir ce qu’est la dignité dans le contexte de la mort, ou est-ce une notion subjective et évanescente ?
Je ne dis pas que l’accompagnement dans le cadre d’une aide à mourir est LA façon digne de mourir. Je ne juge pas la dignité de chacun. Mais force est de constater qu’encore aujourd’hui, en France, vous avez des personnes qui meurent sans être entendues dans ce qu’elles définissent être LEUR dignité. Le droit de mourir dans la dignité c’est le droit d’être écouté, accompagné et respecté dans sa parole jusqu’au bout, quel que soit son choix.
Qu’est-ce que les directives anticipées et comment sont-elles mises en pratique dans la vie quotidienne de manière concrète?
Les directives anticipées existent depuis 2005. Elles permettent de dire ce que vous souhaitez ou ne souhaitez pas dans le cadre de l’accompagnement en fin de vie si vous n’êtes plus en état de vous exprimer. Il est important également de désigner au moins une personne de confiance qui pourra vous représenter et faire valoir vos directives anticipées.
La loi de 2016 a renforcé la validité des directives en supprimant le fait de devoir les refaire tous les 3 ans. Pour autant, un collège médical peut encore rejeter vos directives si elles sont jugées non conformes à votre situation médicale. Pourtant, c’est bien à la personne dans le lit de décider et non à celles qui sont autour.
Selon vous, pourquoi la France rencontre-t-elle des difficultés à statuer sur la question de la fin de vie assistée, malgré un soutien majoritaire de la population ?
Depuis 40 ans, toutes les enquêtes montrent que les Français souhaitent voir ouvert le champ des possibles dans l’accompagnement en fin de vie, c’est-à-dire à la fois des soins palliatifs partout et pour tous et la légalisation encadrée de l’euthanasie et du suicide assisté.
Nous sommes, aujourd’hui, entourés de pays qui ont avancé sur le sujet et parfois depuis plus de 20 ans. Pour autant, la France n’a jamais su se doter d’une loi complète en ce sens et cela est dû à la fois à un manque de courage de nos dirigeants politiques, à un poids important donné aux représentants religieux et à quelques mandarins médicaux.
Il est temps de regarder les choses en face et de répondre à cette attente de la société.
Parlez-nous de l’ADMD. En quoi le rôle des associations comme l’ADMD est-il crucial dans le débat sur la fin de vie assistée ?
L’ADMD a, à la fois, un rôle militant pour obtenir une nouvelle loi et un rôle de solidarité et d’entraide. Je tiens particulièrement à ces 2 « pôles » à disposition de nos 77 000 adhérents mais également de tous les Français.
Nous gérons depuis plusieurs années un fichier national des directives anticipés, nos avons des représentants des usages, nous répondons aux questions et aux témoignages qui nous sont adressés sur notre ligne téléphonique ADMD Écoute et nous travaillons à ce que peut être la loi et son application avec nos commissions juridiques et soignants.
Le rôle de l’ADMD est central dans ce débat sur la fin de vie et nous sommes des interlocuteurs responsables et engagés auprès de toutes et tous.
En vous lisant, une question me vient à l’esprit : qu’en est-il de Dieu dans tout cela?
Les religions ont évidemment le droit de se prononcer sur le sujet de la fin de vie. Pour autant, je tiens particulièrement à la laïcité dans notre République et les religions n’ont pas à interférer dans la loi ou dans un projet de loi.
La loi que je souhaite sur l’accompagnement en fin de vie respectera toutes les consciences et ne sera, en aucun cas, une obligation pour quiconque mais un droit pour celles et ceux qui le souhaitent face aux souffrances et quand la vie n’est devenue que de la survie.
Entretien réalisé le 13 avril 2024.
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