Angie David nous parle de son livre La renommée, publié aux Éditions Léo Scheer
Angie David est éditrice chez Léo Scheer. La Renommée est son sixième livre.
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INTERVIEW
Quelle a été votre principale motivation pour écrire ce récit autobiographique ?
Je n’aurais jamais écrit ce livre si je n’avais pas réellement, c’est-à-dire juridiquement, changé de nom.
La loi du 1er juillet 2022 relative au changement de nom m’a permis de devenir pleinement Angie David, qui n’était qu’un nom d’usage ou un pseudonyme jusque-là.
Une fois débarrassé pour toujours de mon ancien nom, que je n’aurais jamais divulgué sans ça, j’ai trouvé intéressant de raconter comment et pourquoi on prend la décision de changer de nom.
Y a-t-il un côté symbolique derrière le choix du titre de votre livre ? Parlez-nous des coulisses.
Le titre m’est apparu en écrivant, j’ai d’abord pensé au re-nom, au fait de se renommer, puisque c’est bien ce que j’ai fait, puis j’ai eu l’idée de le féminiser, étant une femme, ça a donné la renommée.
Avec ce double-sens amusant, le titre s’est imposé.
Pour vous, quel a été le moment le plus difficile à écrire dans votre livre, et pourquoi ?
Ce qui était dur, c’était de prendre la décision de l’écrire, puisque l’histoire de mon ancien nom, du nom de mon père, je l’avais cachée à tout le monde, c’était un véritable tabou. Mais quand j’ai dépassé ce blocage, l’écriture est allée très vite, j’avais tout le récit en moi.
Quels aspects ou éléments précis du nom de votre père vous semblent inadéquats, vous poussant ainsi à ressentir un besoin impérieux d’échapper à son emprise ?
Mon père ne s’est pas occupé de moi, ni quand j’étais petite et que mes parents vivaient encore ensemble, ni après leur divorce.
Son indifférence m’a beaucoup fait souffrir plus jeune, jusqu’à ce que je parvienne à surmonter ce désamour en me rebaptisant.
Lorsque j’ai adopté le nom de ma mère, que je me suis fait appeler David, j’ai comme tiré un trait sur la relation avec mon père, je n’en attendais plus rien, et j’ai pu alors me construire en tant que femme, indépendante et souveraine, je n’étais plus sa victime.
Qu’est-ce qu’on ressent lorsqu’on porte un pseudonyme, comme vous l’avez fait pendant des années ? Y a-t-il un sentiment d’usurpation ? De tromperie ? Se sent-on toujours légitime et à sa place ?
Je me sentais à ma place, mais j’avais surtout peur qu’on découvre le pot aux roses, qu’on apprenne mon vrai nom, comme si j’avais prétendu être quelqu’un d’autre que ce que je suis. Mais ce n’était pas un sentiment que je partageais avec moi-même, puisque la vraie Angie, c’est Angie David, pas l’autre qui portait le nom de son père.
Pour vous, qu’est-ce que l’identité, l’appartenance, la famille ? En quoi la littérature, avec ses grands auteurs, ou même votre environnement immédiat ont-ils façonné votre compréhension personnelle de ces concepts ?
L’identité, c’est ce qu’on fait de soi-même. Je dresse dans le livre un parallèle avec le « deadname » des transsexuels. Aujourd’hui, on a la possibilité et le droit de se réinventer, de se créer une identité qui nous semble être celle qui nous correspond vraiment. C’est une chance, à nous de la saisir.
En tant qu’éditrice, comment jonglez-vous entre l’écriture récréative et artistique, d’une part, et la création factuelle, qui plaît au marché, d’autre part ? À quel moment décidez-vous de mettre de côté votre casquette professionnelle d’éditrice pour devenir pleinement écrivain, un créateur aux prises avec ses propres doutes ?
Je suis d’abord éditrice, écrivain ensuite. Mon travail aux Éditions Léo Scheer est ce qu’il y a de plus important, mais de temps en temps, quand j’ai quelque chose à dire, et besoin de faire quelque chose pour moi, j’aime écrire, c’est presque une récréation, puisque c’est un moment où je peux couper avec mes obligations, familiales, professionnelles, amicales.
C’est un moment de pause à l’intérieur d’une vie dense, où je n’ai jamais une minute à moi.
Entretien réalisé le 17 février 2024
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