Catherine Testa nous parle de son livre TDAH et alors ?, publié aux Éditions Michel Lafon.
Catherine Testa est une entrepreneure à succès. Elle gère un site suivi par plus d’un million de personnes. Écrivaine, spécialiste des sujets liés au bien-être au travail et à l’optimisme, elle est aussi formatrice et conférencière.
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INTERVIEW
Comment est née l’idée d’écrire ce livre ? Qu’est-ce qui vous a poussé à partager votre expérience de manière aussi personnelle ?
Quand j’ai découvert que j’avais un TDAH, j’avais 35 ans. La première chose que j’ai faite, comme beaucoup d’adultes se découvrant concernés, a été de lire sur le sujet. J’ai épluché tous les sites internet en français, tous les livres qui existaient à l’époque, mais aussi la littérature en anglais et en espagnol.
J’ai ainsi mesuré le retard considérable que nous avions en France sur le sujet du TDAH adulte. Quand j’ai commencé l’écriture du livre, la quasi-totalité des ouvrages sur le sujet étaient écrits par des psys, des coachs, etc. En bref, des experts du sujet. Ces ressources sont vraiment précieuses et très aidantes.
Mais, il me manquait quelque chose : le témoignage des personnes concernées, la réalité vécue de l’intérieur.
C’est ce que j’ai trouvé dans les groupes de parole. Soudain, j’entendais d’autres personnes exprimer ce que je vivais. Pour la première fois de ma vie, je me sentais comprise, je comprenais que je n’étais pas seule à vivre certaines situations honteuses.
C’est pour cette raison que j’ai voulu partager cette expérience aussi personnelle dans un livre. Il y a des milliers de choses qu’on ne dit pas à son psy ni même à ses proches. Soit parce qu’on n’y pense pas, soit parce qu’on n’ose pas. Entre personnes concernées, on ose les dire.
De même, il y a des expériences qu’on ne peut pas écrire sur Internet. Seules les pages d’un livre, à l’abri des regards, peuvent accueillir certaines confidences. C’est pour cette raison que ce livre existe. Un cœur à cœur avec les personnes concernées par cette thématique.
Dans votre avant-propos, vous exprimez une vulnérabilité inattendue, contrastant avec l’image de femme forte et inébranlable que l’on a de vous. Comment expliquez-vous cette sensibilité aux jugements et aux opinions d’autrui ?
Comme on me voit parcourir la France et le monde pour donner des conférences, on a l’impression que tout va bien dans ma vie. On a du mal à penser que le « succès » soit compatible avec la souffrance. Pourtant ça l’est.
Quand je vis des « journées vides », comme je le dis dans le livre, je ne me connecte pas sur les réseaux, donc cela ne se voit pas. Les lecteurs pensent donc que je suis forte, que je réussis, parce qu’ils ne voient pas ces temps sans énergie. J’essaie pourtant d’apporter de la nuance, de raconter l’envers du décor…
Hélas, on compare ce qui se voit de l’extérieur de la vie des autres à notre vécu intérieur.
Et il y a souvent (si ce n’est toujours), une grande distorsion entre notre impression et la réalité. C’est pour cette raison que j’ai décidé d’écrire ce livre.
Quels ont été les moments les plus difficiles de l’écriture ? Qu’est-ce qui vous a motivée à persévérer malgré ces difficultés ? Quel était votre moteur principal ?
Curieusement, l’écriture a été simple : j’écrivais le livre que j’aurais aimé lire. Il est facile d’écrire quand on est sincère et qu’on raconte son histoire. Cela coule sous la plume (ou plutôt sur le clavier).
J’avais pour objectif de donner de l’espoir et de soulager celles et ceux qui étaient comme moi, c’était ça mon moteur principal.
Au total, j’ai écrit plus de 600 pages, et une des difficultés a été de sélectionner ce qui devait rester, un travail que j’ai fait avec mon éditrice. Comme je m’adresse à un public de personnes concernées par le TDAH, il fallait aller à l’essentiel, et donc faire des coupes !
J’avais cependant deux défis : le premier était l’incarnation réelle de ce que je disais. C’est pour cette raison que j’ai mis du temps à écrire « TDAH et alors ». Toutes les techniques que j’ai écrites dans le livre, je les ai appliquées, et il me fallait du temps pour voir si elles étaient soutenables dans le temps. Je voulais parler seulement de ce qui fonctionnait vraiment pour moi.
Le deuxième défi était de parler seulement de ce qui concernait la plupart des personnes ayant un TDAH. C’est là que les groupes de parole m’ont aidée, je les questionnais régulièrement.
Tout au long du livre, j’ai aussi essayé de mettre le plus de nuances possibles. J’ai un TDAH, mais c’est un TDAH parmi des millions. Le problème avec le TDAH est qu’il s’exprime de façon différente pour chacun, et nous mettons tous en place des stratégies d’adaptation différentes.
Ce livre est une proposition, un témoignage, pour permettre à toutes les personnes concernées de se sentir comprises mais aussi à l’entourage de le lire pour comprendre ce qui se passe dans la tête de quelqu’un concerné.
Non, on ne le fait pas exprès.
Parlez-nous de votre diagnostic de TDAH. Quel a été votre ressenti exact ? Était-ce juste une confirmation de ce que vous ressentiez déjà ? Étiez-vous soulagée, surprise, ou les deux ? Aviez-vous mille et une questions à la fois ? Qu’est-ce que cela représentait pour vous à ce moment-là ?
Dans le livre, je raconte tout le parcours et toutes les émotions qui m’ont envahie quand j’ai reçu mon diagnostic.
Pour moi, ce fut un soulagement. Enfin, je comprenais. C’était en quelque sorte la pièce manquante du puzzle. Tout faisait enfin sens.
Avec le diagnostic officiel, j’allais pouvoir commencer à explorer dans la bonne direction.
J’avais des milliers de questions, et j’ai consommé du contenu sur le sujet de façon frénétique. C’est d’ailleurs souvent le cas quand on découvre son diagnostic, on a besoin de comprendre. Comme on est hyperfocus, cela peut parfois virer à l’obsession, on en parle tout le temps, on a sans cesse des « ahhh mais c’est pour ça ». Mais avec le temps, cela se régule, on apprivoise le TDAH.
Selon vous, pourquoi le diagnostic de TDAH est-il parfois tardif, notamment chez les adultes ?
Il y a de nombreuses raisons.
La première est le fait qu’on ne vit que dans notre tête. Cela peut paraître étrange, mais on ne sait pas comment cela se passe dans le cerveau des autres. Au lieu de se dire qu’on est différent, on passe souvent des années à se dire qu’on est moins bon, que les autres gèrent mieux que nous.
Ensuite, comme certains symptômes du TDAH concernent l’ensemble de la population, on a tendance à se dire que tout le monde a des problèmes d’attention, que tout le monde est concerné par la procrastination, etc. Ce que je conseille est de se comparer à son entourage : avez-vous vraiment l’impression que vos copains de lycée sont comme vous ?
L’accès au diagnostic médical est aussi un obstacle : c’est une véritable galère pour le TDAH. Des mois, voire des années d’attente pour rencontrer un psychiatre ou un neurologue spécialisé. Parfois, on a déjà vu des psys, mais qui n’étaient pas sensibilisés au TDAH et qui ont posé des diagnostics de comorbidités comme la dépression ou l’anxiété sans diagnostiquer le TDAH.
Enfin, le coût est un facteur important. C’est un coût financier, mais aussi émotionnel et temporel. En France, beaucoup pensent encore qu’aller voir un psy, c’est pour les « fous ».
Si j’avais un message à transmettre à toutes celles et ceux qui liront cet article : vous avez le droit de vous questionner. Non, tout le monde n’a pas un TDAH, mais si vous souffrez, osez pousser la porte. Je sais qu’on a tendance à procrastiner, mais cette étape changera probablement votre vie.
Si vous deviez décrire une journée type avant et après le diagnostic, quelles seraient les principales différences dans votre façon de vivre et d’organiser votre temps ?
J’ai arrêté de culpabiliser. Avant, je m’en voulais sans arrêt : être en retard, travailler au dernier moment, avoir des passions successives, ne pas savoir prioriser…
Maintenant, j’ai compris que mon cerveau serait toujours ainsi et que mon enjeu est de réussir à le dompter. Dans le livre, je parle souvent du fait que je doive « hacker » mon cerveau.
Aujourd’hui, je sais combien de temps me prennent les différentes tâches. J’ai tout mesuré dans ma vie ! Mon cerveau a du mal à prioriser, j’ai en permanence un biais d’optimisme. Je le sais, c’est un fait.
Alors, j’essaie d’établir des méthodes de travail et, surtout, j’en ai parlé autour de moi. Je travaille à la fois avec mon entourage pro et perso sur le sujet. Si j’oublie d’envoyer un document : relancez-moi !
Dans ma vie quotidienne, j’ai passé deux ans à organiser mon appartement et je continue. Ça paraît fou dit comme ça, mais j’ai adapté mon espace de vie pour éviter à mon cerveau les distractions possibles, et ça fait un bien fou !
Vous avez rencontré de nombreux professionnels de santé et de nombreux patients. Quelles sont les leçons les plus importantes que vous avez tirées de ces échanges ?
Il y a quelque chose d’incroyable dans les témoignages que je reçois des lecteurs et des personnes concernées : on me remercie de se sentir compris et d’oser dire les choses. En réalité, c’est que je les comprends et ils me comprennent. C’est quelque chose de très intime. On vit la même chose, même si on n’y répond pas de la même façon. Il y a beaucoup de sincérité entre nous.
Et concernant les professionnels, je remercie tous ceux qui s’engagent sur le TDAH et écoutent les patients. Dans le monde des professionnels de santé, il y a des débats sur le TDAH et, quand on est concerné, on peut se sentir perdu avec des informations contradictoires.
On peut parfois avoir l’impression qu’on oublie le patient, qui est juste là en souffrance et a besoin de soutien… Mais il y a vraiment des psys incroyables. J’aimerais le rappeler. J’en ai rencontré des formidables ! Mais ils communiquent trop peu sur leur métier, d’où notre peur de la bouse blanche en France. Aujourd’hui, beaucoup conseillent mon livre, et c’est une véritable reconnaissance pour moi.
Dernier point que j’aimerais aborder : les enseignants. La semaine dernière, je suis intervenue lors d’un colloque Innovation en Education devant 800 professeurs présents pour mieux comprendre le TDAH. Le monde de l’éducation a un rôle important à jouer sur ce sujet, et je remercie ces profs qui prennent sur leur temps libre pour venir s’informer.
Quel conseil donneriez-vous à une personne qui vient de recevoir un diagnostic de TDAH ?
C’est une première étape. En France, on véhicule une vision très négative du TDAH et on porte peu de messages d’espoir. Pourtant, de nombreuses personnes avec un TDAH ont réussi à apprivoiser leur trouble et réussissent dans le monde professionnel.
Mais ils n’osent pas forcément en parler… Je peux en témoigner : je connais des dirigeants, des artistes, des professionnels dans le monde de l’entreprise. Mais, contrairement à ce qu’on pourrait croire, il n’est pas facile de faire son « braining out » et de dire qu’on a un TDAH.
Donc vivez le parcours comme une nouvelle expérience pour mieux vous comprendre au quotidien ! Explorez.
Quel rôle joue l’entourage dans l’accompagnement d’une personne atteinte de TDAH ?
Plus j’y réfléchis, plus je suis convaincue que c’est grâce à mon entourage que je n’ai pas plus souffert de cette neuro-atypie.
On a souvent du mal à comprendre que l’autre ne fonctionne pas comme nous. Et l’entourage a parfois tendance à faire des raccourcis : « il suffit de mieux t’organiser », « tu le fais exprès », etc.
Quand on reçoit un diagnostic, on peut expliquer que non, on ne le fait pas exprès. D’ailleurs, nous sommes les premiers à en subir les conséquences. Ensuite, on travaille pour améliorer son quotidien, et l’entourage peut nous aider.
Mais ce n’est pas à eux de faire les choses. Le simple fait de comprendre que nous sommes différents et que c’est OK est un pas immense !
Lorsqu’on s’intéresse à votre travail, qu’on vous lit, on constate immédiatement que vous avez à cœur d’aider les autres, à aller mieux, à s’épanouir. Mais dites-nous, d’où vous vient cette empathie ? Qu’est-ce qui vous anime ?
Merci pour ce beau compliment ! À vrai dire, je ne me suis jamais posé la question. Je crois que j’ai quelque chose de très lié au TDAH : je suis animée par les causes qui me tiennent à cœur, et cela ne ment pas.
J’ai toujours travaillé par passion et je suis très proche du terrain. Quand je parle de santé mentale ; d’optimisme et de qualité de vie au travail, je rencontre vraiment les salariés lors des conférences. Les managers, les salariés, les dirigeants s’adressent à moi sans filtre. Je crois que c’est cette proximité avec les gens qui fait que je ne suis pas hors-sol.
Je connais la souffrance, je connais les difficultés au-delà des apparences, et surtout, je crois en la simplicité. Nous avons ajouté tellement de complexité dans les interactions humaines que le simple fait d’oser parler avec authenticité crée immédiatement une relation de proximité.
Et c’est ça qui m’anime au fond. Rappeler à toutes et à tous que nous sommes tous imparfaits, simplement des humains qui essayons de faire de notre mieux dans notre parcours de vie.
Quand on a compris cela, on commence enfin à arrêter de juger les autres et de s’auto-juger.
Entretien réalisé le 23 novembre 2024
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