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Les Calanques de Marseille : « au-delà de la carte postale » ! 

Les Calanques de Marseille : « au-delà de la carte postale » 
Calanque de Marseille @ Pixabay (Djedj)

Décryptage des Calanques de Marseille par Bettina Flores : entre QR Code, écologie et dérives autoritaires.

Une société de sécurité privée

     Mon cousin Hugo qui vit en Provence pour ne pas dire précisément où il habite… m’a alertée sur des faits dénoncés par Le Platane concernant les Calanques de Marseille.

Un système de QR Code, un laissez-passer, « le permis de marcher dans la nature ! », a été mis en place dès le printemps 2022 pour accéder à ce site magnifique, un des fleurons de la région Provence Alpes Côte d’Azur. 

     Au prétexte d’une fréquentation élevée, il faut réserver sa place à l’avance sur internet via la plate-forme développée par la start-up Troov, en présentant un QR Code sur son téléphone portable aux gardiens du Parc National des Calanques (PNC) pour avoir le droit d’y circuler.

Outre le fait que tout le monde n’est pas à l’aise avec l’informatique et ne possède pas de smartphone rendant la mesure inégalitaire, c’est une société de sécurité privée, aux frais du contribuable, qui est chargée de contrôler sur le terrain l’entrée dans la Calanque de Sugiton située au Sud de Marseille.

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Les eaux usées de la ville de Marseille

« L’objectif annoncé par le PNC est de limiter, de réguler, d’optimiser, bref de gérer le nombre de visiteurs dans le but de tenter de réduire les dégâts sur l’espace naturel que la sur-fréquentation (bien réelle !) peut occasionner lors de la période estivale ».

Même si l’intention à première vue peut sembler louable, elle pose quelques questions qui sont largement occultées par les promoteurs de cette mesure. Se focaliser sur les nuisances induites par les visiteurs « relève au mieux d’un naïf amateurisme et au pire d’une (ser)vile hypocrisie », nous dit Le Platane  dans « Pour accéder à la nature, cliquez ici » (mai 2022).

     Les gestionnaires du PNC ont choisi « de conditionner l’accès à la nature en utilisant les moyens mis à leur disposition par la société technicienne bureaucratique : surveillance, réservation, permis, contrôle, jauges ».

Or d’après Le Platane, il y a d’autres priorités : « les boues rouges qu’Alteo défèque dans le canyon de Cassidaigne, les eaux usées de la ville de Marseille rejetées au niveau de Cortiou, les allers-retours incessants de paquebots et autres pétroliers dans la baie de Marseille, les projets d’urbanisme et leur inévitable lot de nuisances en tout genre ».

Le Platane dénonce « l’instrumentalisation de la nature et le dévoiement de la pensée écologique par des grands groupes industriels (d’intérêt privé) », « ces avatars décomplexés d’un capitalisme prédateur » qui perçoivent « la nature comme un espace à conquérir et à gérer, en considérant que la destruction écologique est un marché comme un autre sur lequel il convient de maximiser les profits ».

À l’heure de la taxe carbone punitive

« Mettre  en place un permis de visite, c’est décréter la fin de la nature comme pur espace d’évasion voire, osons le mot : de liberté » (Ibid., mai 2022).

Les partenariats entre le PNC et des entreprises peu soucieuses d’environnement, CMA-CGM (transport maritime et logistique), Schneider Electric (électricité), Interxion (de datacenters) et Ecoact (groupe Atos, entreprise  française de services du numérique) ont de quoi inquiéter. 

     Le Commissaire européen au Marché Intérieur, chargé de la politique industrielle, du tourisme, du numérique, de l’audiovisuel, de la défense et de l’espace, Thierry Breton, est l’ex président-directeur général d’Atos (de 2009 à 2019).

Édouard Philippe a été membre du Conseil d’administration d’Atos de septembre 2020 à mai 2023. Ils sont à l’origine de la mise en place du Digital Identity Wallet, le passeport d’identité numérique européen, censé nous « faciliter la vie », en fait une arme de contrôle et de soumission à l’idéologie dominante.

À l’heure de la taxe carbone punitive, il est d’autant plus d’actualité et sans surprise, concernera tous les aspects de la vie quotidienne, parc naturels comme restaurants et autres. 

L’impact sur la faune et la flore

J’en ai fait les frais sept mois durant sans pouvoir poser mes fesses à une terrasse de café… ou presque. J’ai réussi quand même à déjeuner trois fois dans un restaurant avec une amie à Montpellier où rien ne nous a été demandé.

Il reste toute de même dans cette folie dystopique quelques personnes sensées. 

     Aussi, le QR Code, le sans contact, la smart nature (inspirée de la smart city), chers aux techno-bureaucrates en mal d’autoritarisme, étend ses tentacules toujours plus…

La mesure a été de nouveau mise en place cet été au PNC dont le slogan à la McKinsey est « Réserver, c’est préserver ! » que Le Platane comprend Préserver pour continuer à dégrader… (« Réserver, c’est se soumettre », juin 2022).

« Il est trop facile de dissimuler derrière la dénonciation de comportements individuels la course de fonds aux moyens et financements dont la direction du Parc ne s’est pas dissociée ».

Par ailleurs, des projets pharaoniques ont lieu à proximité (agrandissement de l’aéroport de Marseille, TGV M du futur en 2024, Marseille, site olympique en 2024), sans oublier les croisières à 1,3 million de passagers déjà en 2021, le tourisme de masse ne posant là apparemment aucun problème écologique ou d’environnement (« Au-delà de la carte postale », Le Platane, mai 2023). 

     Comment réguler l’afflux de visiteurs en faisant la publicité pour accéder au site avec une ultra-médiatisation du lieu ? L’impact sur la faune et la flore est réel mais pas seulement dû aux promeneurs.

Un parc à l’américaine

Depuis 1966, les tonnes de boue rouges déversées dans le parc marin dans le Canyon Cassidaigne par Péchinet puis Altéo, des déchets de l’industrie de l’aluminium, sans respect des seuils imposés, polluent le site en mer et sont entreposées également sur terre. Des riverains souffrent de cancers et d’affections de la thyroïde.

Toutes ces pollutions environnementales ne sont pas prises en compte, seuls les visiteurs de Sugiton sont stigmatisés. Sans compter que le problème risque d’être déplacé : ceux qui ne pourront pas entrer sur le site, iront un peu plus loin et le nombre de touristes ne diminuera pas. 

     Qui sera chargé du contrôle des passes ? « Des sociétés privés de sécurité » ou « des compagnies de CRS ? », s’interroge Le Platane.

Cela a tout l’air d’un parc à l’américaine, aux conditions d’accès à la nature limitées. C’est l’instauration d’un crédit éco-social, dont les dérives seront inévitables avec des passe-droits et autres.

Le parc devenu une start-up nation

Interxion, A digital Realty Company, fournisseur européen de services de centres de données, dévoreur d’électricité, les data centers n’ayant jamais été écologiques, aura la charge de stocker les informations.

Sous prétexte de développement durable, concept très flou, de « stratégie bas-carbone », idée très à la mode en ce moment, ces entreprises comme également Ecoact, filiale d’Atos avec les caméras de surveillance en milieux naturels, ont trouvé un nouveau marché, tout en faisant du greenwashing avec la bonne conscience et l’excuse du mécénat en prime. Ils lavent plus vert que vert…

Le parc devenu une start-up nation est une forme « d’enclosure moderne », nous dit Le Platane (« L’écologie des gestionnaires : une impasse », janvier 2022), comme au XIXe siècle quand la dépossession des terres communes se faisaient par une appropriation autoritaire des lieux par de riches propriétaires.

L’écologie des gestionnaires : une impasse

Ensuite, des murs de pierres et des haies étaient montés dont les paysans devaient louer l’usage. « Les enclos de pierre » d’autrefois sont « les barrières numériques » d’aujourd’hui. C’est « la fin de la nature comme espace de liberté ».

Le Platane explique : « Notre crainte est qu’il en résulte dans un avenir proche, une nature diminuée, un espace encastré dans le monde social, un espace géré, administré, contrôlé, surveillé, ou en d’autres termes, un prolongement de la ville dans les milieux naturels » (Ibid., janvier 2022).

     Il serait naïf de croire que cela s’arrêtera aux Calanques, que c’est un problème marseillo-marseillais, ce sont tous les sites du pays au motif d’écologie qui vont être concernés.

Ces permis de passage ont de fortes chances d’être étendus à d’autres régions. « Pour remédier aux problèmes de la fréquentation des massifs, il est préférable de prendre du recul, en s’appuyant sur des réflexions déjà menées, sur un monde qui ne repose pas sur des infrastructures non écologiques et non démocratiques et où la culture de masse n’existe pas », conclut Le Platane qui appelle à résister (Ibid., janvier  2022). 

L’illusion de garder le pouvoir

     C’est l’univers panoptique décrit par Michel Foucault (1975), que j’ai dénoncé dans mon essai Didier Raoult, Médecin résistant ? Une enquête sociologique au cœur de la crise politique et médiatique du Covid-19 (2022), qui mène tout droit à la société du  Surveiller et punir ; également le 24 août 2021 dans Chroniques de rue, 17 juillet 2021-23 juillet 2022 (2023), j’ai écrit :

« Est en permanence regardé celui qui ne voit pas mais qui sait qu’il est observé et surveillé. Il est mis en situation d’auto-contrôle permanent où il gère en partie son comportement en ayant l’illusion de garder le pouvoir sur lui-même. (…)

Aussi non, le QR Code n’est pas un compte Facebook ou Twitter, n’est pas une carte bancaire, n’est pas une carte vitale, n’est pas un passe Navigo, même s’il s’y apparente et sera bientôt une carte de fidélité…

Il est un système panoptique de contrôle pour ‘’surveiller’’ et ‘’punir’’ le cas échéant, établi sur le modèle du crédit social chinois.

« Nous sommes passés de la société de surveillance de Foucault à la société de contrôle » (Guy Debord, 1989).

Respirer en pleine forêt

     Je n’ai jamais visité les Calanques. J’ai eu la chance de les voir du ciel en arrivant sur Marseille et c’était impressionnant de majestuosité et de beauté, dans le cockpit d’un avion de ligne grâce à un ami de mes parents, Commandant de bord à TunisAir, une fois en retournant en France.

C’était l’époque où les pilotes n’étaient pas barricadés dans leur cabine et ne faisaient pas d’AVC en plein vol…

     J’ajoute quelques lignes éloignées du sujet sur le buzz d’Agnès Buzyn… qui a squatté les plateaux TV et les pages de la presse people pour la sortie de son livre.

Sans surprise, elle n’est responsable de rien : les masques qui ne servaient à rien puis à tout, même à respirer en pleine forêt… son décret sur la Chloroquine du 13 janvier 2020 qu’elle a classée sur la liste des substances vénéneuses !? (dont a pourtant bénéficié sa mère) et j’en passe…

Tout est parfait, elle a très bien géré la crise, a fait son devoir de Ministre de la Santé en informant les responsables du gouvernement. S’il y a eu des soucis, c’est la faute aux autres, l’administration sur laquelle elle s’est largement déchargée lors de son audition au Sénat le 23 septembre 2020 et sur ses collègues évidemment, à commencer par l’ex Premier Ministre, Édouard Philippe, responsable du monstrueux décret Rivotril. 

 À quand la paix ?

    Je lui avais consacré dans mon essai (2022) quelques passages intitulés « Tout va bien ! » ; « Un drôle de décret pour une ancienne molécule » ; « Les larmes d’Agnès » ; « Où sont les masques ? » et aussi, choquée par le traitement fait aux plus âgés, décrété par le Premier Ministre que j’ai qualifié de mort sur ordonnance « Qu’avons-nous fait de nos ‘’vieux’’ ? ». 

     On ne s’inquiète pas pour ces personnes et d’autres encore : il y a suffisamment de lampistes qui prendront pour eux…

     Apparemment, les punaises de lit de l’Élysée n’intéressent plus personne… Un autre événement bien plus grave est d’actualité, le conflit israélo-palestinien qui repart de plus bel avec son lot de morts civils, de souffrance et de misère, dans une guerre de déjà presque cent ans…

À quand la paix entre les peuples dans la région ?

Bettina flores

Les Calanques de Marseille : « au-delà de la carte postale »  ! 

© Bettina Flores, le 22 octobre 2023.